Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





11 décembre 2017

"À bord du Charles de Gaulle" de Benjamin Decoin et Cyril Hofstein


Le photographe Benjamin Decoin (régulièrement embarqué à bord des bateaux de la Royale) et le grand reporter Cyril Hofstein (Figaro magazine, a commencé au Chasse-Marée) proposent un nouveau reportage photographique commenté et ramassé sous la forme d'un livre : À bord du Charles de Gaulle (Paris, Éditions Duchêne EPA, 2017, 192 pages). Si l'exercice n'est pas fondamentalement nouveau, il se révèle d'une très grande qualité, tout en renouvelant le genre. Par ailleurs, l'ouvrage bénéficiera d'une présentation officielle par la maire de Paris, Anne Hidalgo, et l'Amiral Prazuck, à la mairie de Paris le jeudi 14 décembre (évènement ouvert à la presse). 

Les deux auteurs remercient vivement les personnes ayant permis la réalisation du reportage et donc la production de l'ouvrage dont nous pouvons citer l'Amiral Prazuck, l'ancien commandant du porte-avions Charles de Gaulle, le capitaine de vaisseau Éric Malbrunot (31 juillet 2015 - 28 juillet 2017) - remplacé par le capitaine de vaisseau Marc-Antoine de Saint-Germain) et le pacha du SIRPA Marine, le capitaine de vaisseau Bertrand Dumoulin. 

Justement, l'Amiral Prazuck, en tant que Chef d'État-Major de la Marine nationale (CEMM), et la maire de Paris, Mme Anne Hidalgo, au titre de ville-marraine, signent tous les deux une préface à l'ouvrage où ils se félicitent des 16 années à la mer du porte-avions et sa mise en œuvre satisfaisante grâce aux efforts continus produits par l'équipage.

Reportage qui semble intervenir au cours du premier semestre de l'année 2017 lors de la mission Arromanche 3 (septembre - décembre 2016) ou bien de suite après. Ce sont les premiers mois du porte-avions Charles de Gaulle au tout Rafale depuis son admission au service actif (2001) mais les dernières semaines d'opérations avant qu'il ne regagne Toulon afin de se préparer à l'ATM (Arrêt Technique Majeur) n°2 qui est synonyme de refonte à mi-vie pour un coût de l'ordre des 1,3 milliards d'euros. Cure de jouvence bien nécessaire pour un bateau régulièrement engagé depuis 16 ans dans des opérations soutenues dont les missions les plus notables sont Héraclès (décembre 2001 - juillet 2002), Agapanthe (2002 - 2011), Harmattan (mars 2011) et Arromanches (janvier 2015 - décembre 2016).

Dans un premier temps, l'effort des deux auteurs pour s'approprier l'ensemble des thématiques aéronavales est à saluer. Un des détails qui illustrent assez bien cette volonté de s'immerger totalement dans le fait aéronaval est l'absence permanente de tirets inutiles dans porte-avions Charles de Gaulle. Plus largement, les différences entre les filières ADAV/C (STOVL), STOBAR et CATOBAR sont rappelés tout au long de l'ouvrage, avec force de pédagogie et aux moments les plus idoines. Certaines anecdotes sont très instructives, notamment celle au sujet de l'origine du nom du "Pedro", l'hélicoptère dédié à la sûreté des vols qui peut à tout moment effectuer une mission de sauvetage. C'est pourquoi il est excusable car très surprenant de trouver une ou deux coquilles alors que la matière est plutôt sublimée de la première à la dernière page.

Le reportage est très didactique et débute par l'arrivée sur le bateau de l'un des directeurs du pont d'envol. De là, le champ s'élargit progressivement grâce aux deux auteurs pour découvrir au fur et à mesure les opérations aériennes, la mise en œuvre des catapultes, le soutien des aéronefs à bord, etc... Peu à peu, le lecteur s'immerge dans l'ambiance à bord et s'enfonce progressivement au fil des coursives dans le porte-avions. Il conserve son surnom de "sous-marins de surface" qui avait été popularisé dès les premiers reportages réalisés à bord pendant l'opération Héraclès (décembre 2001 - juillet 2002) et qui ne se dément toujours pas 16 années plus tard. C'est pourquoi la passerelle Poséïdon revêt une telle importance pour les marins, l'un des très rares, si ce n'est pratiquement le seul - hormis pendant les jours à la mer sans opérations aériennes -, endroit du Charles de Gaulle pour sortir la tête du bord et admirez l'océan. Presque un comble en surface. 

Il serait bien difficile de ne pas dire un mot sur les clichés au sujet d'un reportage photographique. En l'espèce, la Marine nationale elle-même, via le SIRPA Marine et l'ECPAD, a progressivement relevé les exigences, de sorte que les photographies du porte-avions Charles de Gaulle le mettaient sans cesse plus en valeur jusqu'aux remarquables clichés des années 2014-2017. Et pourtant, Benjamin Decoin parvient à relever le défi et repousser, encore une fois, les limites du genre. Le bateau est magnifique et retranscrit via des angles peu ou pas utilisés depuis 2001. La double-page (p. 8) est sublime tandis que le cliché (p. 91) d'un bateau de 42 500 tonnes sur une mer d'huile paraît irréel. Le noir et blanc, égrené sur une partie des clichés, sied très bien au PAN dont la très belle double-page (pp. 184-185) où l'on se plaît à imaginer un montage photographique avec un cuirassé ou un ancien porte-avions, l'absence de couleur abolissant les âges.

Mais la plus grande force du reportage-photographique tient dans les portraits et instants volés à l'équipage qui est et demeure tout au long du livre le centre de l'attention des deux auteurs. Pour qui a pu monter à bord et/ou naviguer, les principaux postes de quart ressortent bien à l'image, tout comme les moments clefs d'une journée à la mer. Tout y passe : depuis la routine des quarts jusqu'à la délivrance d'être de nouveau à porter des ondes des réseaux de téléphonie mobile et donc de pouvoir reconnecter avec les proches sans oublier les enjeux ponctuels pour rendre disponible une machine, un système. 

Dans cette perspective, il est louable que les deux auteurs s'intéressent à la place des femmes dans la Marine nationale au cours de leur reportage. Les premières sous-marinières auraient ou vont embarquer à bord de SNLE. Le CEMM demande des aménagements pour faciliter la vie des familles, en particulier pour concilier, pour les femmes, l'engagement de servir à la mer avec une vie de famille. Ce qu'ils en retiennent, c'est que la présence de femmes à bord du porte-avions, et plus largement dans la Marine nationale, n'est plus un enjeu ni un objet de curiosité. "Mais en réalité, plus personne n'y prête vraiment attention. À bord du Charles de Gaulle, il n'y a que des marins." (p. 46)

Il serait difficile de reprocher quelque chose à ce beau livre dans la mesure cela se lit et se voit que les deux auteurs ont essayé de bout en bout de réinventer l'exercice et de s'approprier les problématiques aéronavales. Il y a très, très peu de coquilles. Il est possible de regretter qu'ils n'aient pas pu se rendre dans les entrailles jusqu'à la propulsion : c'était peut-être l'une des contraintes de l'exercice ou un choix de se concentrer plus longuement sur la mise en œuvre des aéronefs à la mer. Cela en devient l'objet central du livre, même, que de présenter la conduite des opérations aériennes depuis le porte-avions sous l'angle des marins qui s'occupent de préparer les aéronefs, les différents systèmes, de soutenir les autres marins et de mettre en cohérence la conduite nautique avec la conduite des opérations aériennes.

À bord du Charles de Gaulle s'achève par le retour à Toulon et le débute de la refonte à mi-vie (ATM n°2). Le porte-avions français ne retrouvera son élément qu'au milieu de l'année 2018... L'ouvrage est à un bel objet à lire et regarder...

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